dimanche 4 mai 2008

IL S'APPELAIT MICHEL ....ET MON 100ème BILLET EST POUR LUI




Il s'appelle toujours Michel .... parce qu'à cette époque là les garçons s'appelaient Michel, Alain, Jean-Claude, Patrick et les filles Joëlle (comme moi), Chantal, Martine ou Nicole.



On avait 16 ans tous les deux... il était beau comme un Dieu, j'étais pas mal (très jolie même) et il était mon premier amour (le vrai)......

J'avais plein de copines jalouses.... mais il n'aimait que moi et il m'aimait fort... moi aussi, c'était fusionnel lui et moi.... comme on peut l'être à 16 ans, sans arrière pensée. On faisait tout ensemble, il n'y a que dormir qu'on ne faisait pas ensemble... chacun rentrait chez ses parents le soir venu... sauf exception.

Mai 68 on l'a fait main dans la main... au-delà de tout ce que peut représenter mai 68 pour chacun, pour moi c'est définitivement associé à lui...

Nous étions lycéen, l'un et l'autre, nous devions passer le bac cette année là, mais comme tout était permis, nous avons pensé qu'il serait donné à tout le monde et on ne s'est pas présentés aux épreuves (c'est pour ça que je n'ai jamais eu mon bac)
ce fut une magnifique grande fête et ce fut la première fois pour lui et moi....

Et puis, comme à chaque fois que tout a été beau dans ma vie, j'ai tout cassé....

pourquoi ?

même aujourd'hui je ne sais pas... c'était sûrement trop beau pour être vrai...en tout cas je l'ai laissé ... il a avalé plein de cachets, il voulait mourir... ses parents m'ont appelée au secours, je suis allée le voir à l'hôpital mais j'avais tout gâché, il était trop tard.... il m'a dit à quel point il souffrait... je ne comprenais pas bien, j'étais trop belle et trop courtisée ... depuis j'ai compris à quel point un chagrin d'amour peut faire souffrir.....

Et puis le temps a passé, je me suis mariée, j'ai eu des enfants... lui aussi ... et je ne l'ai plus revu....

Et un jour, par hasard, dans le train, il y a quelques années un homme barbu s'approche de moi :

- Joëlle ?
- oui
- tu me reconnais ?

- non

- je suis Claude, tu te souviens ?

- euh Claude .. Claude... j'en ai connu un il y a bien longtemps... qui était le meilleur copain de Michel....

- oui c'est moi...

- pardonne moi Claude, je suis perturbée....

- en descendant du train, viens on va prendre un café ...

et là, il me raconte la vie de Michel, il me dit qu'il ne m'a jamais oubliée (moi non plus) et que désormais il habite en Province, il tient un restaurant .... et il me donne les coordonnées du restaurant en question que je garde précieusement (je garde tout d'ailleurs)

Quelques années plus tard, je vais moi aussi habiter en Province.... dans la même région que Michel... mais tout ça m'est un peu sorti de l'esprit.. je vis avec un homme que j'ai suivi bêtement en Province pour soit disant vivre de l'air du temps (tu parles !)

Un jour dans cette province où je m'ennuie à mourir, je prends ma voiture et je me rends au restaurant que tient Michel (depuis il a peut être changé d'adresse) dans la petite ville où se tient le festival de la BD......

Je prends mon courage à deux mains et je trouve le restau en question.

J'entre et je le vois derrière le bar..... le choc... le beau garçon de 18 ans aux longs cheveux blonds (c'était la mode) que j'avais quitté il y a bien des années était devenu un monsieur bedonnant avec une coupe réglementaire.... bien courte !

Je m'installe, je prends un café et je me demande si je vais me présenter à lui ou repartir sans rien dire....

Non je ne suis pas venue jusqu'ici pour m'éclipser .....

Je vais au bar payer mon café et je me présente :

- je crois que nous nous connaissons

- votre visage ne me dit rien

- Joëlle

et là, si l'expression "changer de couleur" veut dire quelque chose, je peux la lui appliquer... il change vraiment de couleur..... il quitte le bar et s'allume une cigarette, m'en tend une (j'en ai bien besoin) et plonge ses yeux dans les miens (il n'y a pas d'autre mot)

- attends, je reprends mon souffle, je m'attendais à tout sauf à toi .......

- tu me trouves audacieuse

- non, tu as bien fait

Il me demande des nouvelles de ma soeur, mes parents, toute la famille qu'il avait connue.... il se souvient de tout.... moi aussi ... ça fait 35 ans qu'on s'est quittés....

On discute un bon moment, lorsqu'arrive une maîtresse femme (son épouse) qui le rappelle à l'ordre :

- Michel, tu manges quand ? je t'ai préparé du choux y'a qu'à le faire rechauffer (j'ai horreur du chou)

- oui j'arrive.....

On a parlé encore quelques instants et puis elle l'a appelé à nouveau et là, je lui ai dit

- je te laisse, je reviendrai peut être ....

- quand tu veux... je serais content de te revoir .. mais reviens plutôt un mercredi je serai seul....

Il me raccompagne à la porte du restau, me caresse les cheveux, me fait la bise et m'appelle du joli surnom qu'il me donnait 35 ans auparavant (ça je le garde pour moi).... les larmes me sont venues aux yeux....

Je n'y suis jamais retournée, je ne l'ai jamais revu... mais je ne l'oublierai jamais... il a été le premier.....

Je me demande si j'ai bien fait de le revoir, si je n'aurais pas dû rester avec l'image du beau garçon que j'avais tellement aimé... en tout cas je ne le conseille à personne....


Ne touchez pas à vos rêves .... moi, je ne veux pas qu'on touche aux miens !

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Je n'ose...
ce centième est très émouvant...

Anonyme a dit…

C'est difficile. On quitte un être, puis on s'en fait une icône, une photographie mentale qu'on s'encadre et qu'on s'affiche dans notre salon personnel, et ça dure ainsi des années, la photographie ne prend pas la poussière, c'est magique, la mémoire, les sentiments, le cerveau.

Et puis un jour, comme toi, on a la possibilité de revoir l'être, et quand on est en face de lui, tout s'écroule : la photographie n'a plus rien à voir avec l'être, on est déçu, perturbé, gêné même.

On toussote, on prend la pose, on fait bonne figure... Et puis, lorsqu'on quitte l'être, on n'a plus qu'à jeter la photographie aux oubliettes, avec une part de ses rêves et de sa vie.

Tu as raison, on ne devrait jamais faire ça.

Maldoror (je signe parce que ça va encore indiquer "Anonyme")